Aéroport Rafic Hariri, Beyrouth, 14h05, 23 degrés. L’air semble enfumé, l’espace désorganisé et le bruit omniprésent. Beirut est une ville qui intimide au premier abord, elle vous fait comprendre rapidement que vous pouvez laisser vos règles et vos jolis principes chez vous.
La négociation du taxi commence avec les habitudes du pays: de la défiance, de la confrontation saupoudrée d’une pincée de machisme. Sur la route, klaxon, van, voitures de luxe et d’occasion et queues de poisson se mélangent pêle-mêle. Un véritable chaos organisé.
Puis Beirut se dresse, hérissée de grattes-ciel flambant neufs, bordée de montagnes aux sommets enneigés et délimitées par une mer d’un bleu foncé pur et rassurant. On s’enfonce et on monte dans la ville où les passants manquent de se faire écraser, où l’on croise des maisons délabrées qui ont cependant gardé toute leur beauté, des petits commerçants et des bureaux vitrés.
Ici on vit sans adresse. On se contente d’un quartier d’une rue et d’une localisation par rapport à un magasin ou un bâtiment connu. C’est surprenant et déroutant.
Je vais vous raconter Beirut telle que je l’ai vécue pendant 10 jours, ville refaite aux multiples facettes, à la gastronomie riche et aux escapades montagneuses majestueuses.
Beirut 9h00, quartier Gemmayze, étonnamment calme. Ce coin branché de la ville, qui vit essentiellement la nuit, n’est décidément pas lève-tôt, et grand bien nous fasse! La matinée commence gourmande avec un petit déjeuner typique et excellent: La Manouche, sorte de pizza libanaise que l’on déguste avec du Zaatar, mélange composé de thym, de sumak et de graines de sésame. On y ajoute du fromage si on le souhaite. C’est simple et frais.
On adore voir la pâte prendre de jolies courbes dans le four et la recevoir pliée en deux, encore fumante, dans son petit habit de papier. On retiendra particulièrement Ramicitto et tous les « forn » (les fours / boulangeries) de la rue Gouraud, dans le quartier Mar Mikhael.
Quant au café, il se boit court et noir, façon espresso ou turc. Les plus branchés tomberont amoureux du café design Papercup instantanément. Pour plusieurs raisons.
La première, une bibliothèque de beaux livres d’art et d’architecture qui monte jusqu’au plafond et un mur couvert de magazines internationaux. La deuxième, un espresso fin et corsé accompagné de sa petite sucrerie. La troisième, une sélection de cartes illustrées libanaises délicieuses choux à la crème, (dont une m’évoquera toujours une bouffée de bonheur). Une adresse d’exception dans Mar Mikhael.
En second lieu, on trouve Ginette que l’on compare souvent au concept store parisien Colette. Et à raison. C’est « trendy », cher et diversement intéressant. On aime surtout y aller pour la terrasse hyper agréable où la bourgeoisie beyroutine vient se retrouver. Les conversations ethnologiques peuvent alors s’envoler!
Si on est plutôt bobos, hipsters ou « néo-quelque-chose » et qu’on ne sait pas vivre sans avoir le nez collé à son mac, on va au café Younes, chez Dar bistro&books ou au café de Prague dans Hamra, LE quartier par excellence des étudiants et des jeunes professionnels. Jolis espaces modernes, canapés confos, poufs colorés, tables en bois rétro, terrasses ombragées et petits plats sur le pouce font le succès et le bien-être garanti de ces lieux.
Si on est d’un tempérament téméraire et audacieux, on va au vif du sujet dans ce café on ne peut plus authentique: Abou Elias. Votre vue: l’autoroute. Vos voisins: les ouvriers syriens. Pas de chichis juste un espresso court, sans prétention, servis dans le brouhaha de la circulation, des éclats de voix et de la machine à café. Une sacrée expérience.
Au déjeuner et diner voir après diner, c’est l’explosion de saveurs! La liste des adresses est sans fin tant les délices libanais sont au rendez-vous. Qu’on aille au « Barbar » (fast food) du coin ou dans de superbes restaurants/bars à chicha, les sens seront émerveillés.
Pour le soir, on retient dans le quartier Achrafié le sublime Al-Falamanki, sa hauteur de plafond, ses joueurs de backgammon, ses narguilés qui parfument l’atmosphère et ses plats certes chers mais si savoureux!
On adore la chaine de restaurants Kahwet Leila, que l’on adopte immédiatement comme cantine. Les brochette au haloumi grillé et au poulet sont des musts incontournables!
Les étudiants beyroutins et étrangers se retrouvent quant à eux au café Em Nazih. On y mange pas cher, on fume la chicha, on boit Almaza sur Almaza (bière locale) et on refait le monde en anglais et en arabe.
Les « Madames » (pour la référence, aller faire un petit tour sur le blog de Zina Comics) et hipsters locaux, se côtoient chez Ashghalouna et déjeunent dans le jardin de cette ancienne ambassade britannique tous les vendredis midi. Ce restaurant associatif offre pour 30$ une multitude de spécialités libanaises cuisinées avec amour par des veuves musulmanes. Après le repas, on peut acheter des ouvrages faits main confectionnés par ces mêmes veuves. Prenez-vous y bien à l’avance pour réserver une table, l’endroit est très prisé (ou faites une donation, on vous attablera immédiatement, mais chut…)!
La nuit venue, Beyrouth s’éveille de plus belle et offre un « nightlife » des plus détonnant. Au choix, on va écouter un concert local au Blind Pig, un bar dans Hamra à l’ambiance survoltée,
ou, on s’enfonce dans un sous-sol pour voir un cabaret complètement allumé chez Metro et boire ensuite un verre dans un espace designé façon wagon de train. Tellement cool!
Si on a du cash, qu’on aime le montrer et frimer, on va chez Centrale, un sublime bar dont le toit se rétracte pour offrir une vue magnifique sur le vieux Beirut et le quartier de Gemmayzé. Une prouesse architecturale tout à fait hors du commun! Et jusqu’au petit matin, les beyroutins feront la fête, avec une soif de vivre et une énergie absolument contagieuse.
Le lendemain, un tantinet fatigué, on se dit qu’un petit périple loin du chaos serait le bienvenue. Alors on part dans les montagnes, en bus, dans la région de Koura, dans un village nommé Kfaraakka. Là bas, on sort du bruit, on entre dans des paysages où « coulent le miel et le lait d’ânesse » (citation maternelle). On trouve la paix, on se plait à ralentir le rythme, à méditer un peu, à fermer les yeux.
Au volant d’une vieille Mercedes, on sillonne les routes vers La Pinède, un restaurant aux saveurs inoubliables. Surplombant la montagne, on déguste avec entrain, hummus, fatouche, brochettes de poulet… à n’en plus pouvoir! Que de plaisirs coupables!
Une fois le festin englouti, on retrouve la famille et l’ambiance des petits villages où les secrets n’existent pas. Dans ce cocon familial, j’ai goûté au meilleur café turc jamais bu et j’ai dégusté les meilleurs avocats qui soient, tout droit sorti du jardin, sucrés presque, mélangés dans un jus de citron salé…
Le secret du Liban se trouve dans l’amour de ces habitants. Et ce secret s’appelle Teta, Howla, Vilma, Adriana, Marisa, Rakel… Des femmes extraordinaires, pleines de vie, accueillantes et d’une chaleur humaine sensationnelle.
On sait pourquoi on reviendra au Liban: pour retrouver cette magie du chaos organisé et de l’amour donné!
Ps: un merci tout spécial à mon zigoto qui a rendu ce voyage absolument inoubliable!