Les thématiques de la souffrance, du mal et de la violence sont décidément choses courantes dans l’univers de la danse contemporaine. La dénonciation d’un monde trop superficiel, individualiste et déprimé s’exprime à merveille à travers ces corps en transe qui ne cessent de se chercher, de s’interroger, de s’abandonner et malheureusement trop souvent, de sombrer. Mélanie Demers, chorégraphe confirmée, nous revient après de nombreux succès créatifs avec Junkyard/Paradis, une interprétation de « l’horreur et le bonheur, l’élégant et le répugnant, la grâce et la désolation ».
Le spectacle est magique! Depuis que l’Agora de la danse m’entraine régulièrement à travers ses programmations, j’avoue avoir été bluffée par cette dernière chorégraphie. Tous les danseurs sont exceptionnels, les quelques moments de monologues vous sautent à la gorge, la musique s’empare de vous et l’ambiance vous glace. Je n’ai pas pu m’empêcher de penser à un Tokyo désaffecté reprenant l’atmosphère oppressante de l’excellent film de Gaspard Noé Enter the Void.
Très subjectivement, on retiendra l’une des premières scènes où tels des pantins abîmés et désarticulés, les 5 protagonistes vous accueillent dans leur paradis absurde. On se souviendra encore de cette jeune danseuse rabaissée qui se débat au son d’une musique rayée contre les critiques, la soumission forcée, le doute planant et l’humiliation. On pleurera en silence en se remémorant son « I don’t care ». On rira encore de cette satire ironique de nos présentateurs télé nous annonçant mauvaises nouvelles sur mauvaises nouvelles avec désinvolture et désintérêt.
On frissonnera à nouveau à la vue de cet enfant jouant au petit soldat guerrier recouvert de sauce tomate, ne sachant pas deviner l’horreur de cette situation.
On gardera en général un excellent souvenir de cette chorégraphie où pas une minute l’attention ne fut relâchée.
Junkyard/Paradis – 26, 27, 28 et 29 janvier 2011 – Agora de la danse, 840 rue Cherrier – Billet entre 14 et 20 dollars.
Crédits photos: Larry Dufresne